Accueil > A Lire > Divers > L’Anti-terrorisme est une méthode de gouvernement...Le nouvel horizon commun (...)

L’Anti-terrorisme est une méthode de gouvernement...Le nouvel horizon commun de toutes les démocraties occidentales

En provenance de Tarnac, ce texte publié dans Le Monde annonce le fond du débat pour un colloque et pour la manif’ du 31 janvier.

samedi 17 janvier 2009

"L’antiterrorisme est une méthode de gouvernement, et doit être compris comme tel. Le flou caractéristique des lois antiterroristes n’est pas le fruit d’une négligence. C’est leur façon propre d’être opérationnelles. La loi, avec ses distinctions tranchées et tranchantes, est partiellement quelque chose de dépassé du point de vue pragmatique des techniques de pouvoir. Elle n’a pas la souplesse de ces outils qui gèrent la crise permanente, la ramenant toujours à un ensemble de variables interdépendantes qu’il s’agit de corriger. Elle n’a pas non plus la rapidité et l’efficacité d’une campagne de guerre-éclair.

Pour que la loi puisse devenir un outil ou une arme de ce type, il faut qu’elle offre elle-même la souplesse de la norme. La loi, classiquement, produit des distinctions nettes. Elle détermine l’illicite et le licite. La norme opère sur des continuités. Le dispositif antiterroriste appartient au monde historique de la norme, non de la loi. Dans le monde polarisé par l’antiterrorisme, il n’y a pas d’un côté des non-terroristes et de l’autre des terroristes. Il y a d’une part une normalisation continue de la population, conçue comme un vaste champ de probabilités ou de risques à maîtriser globalement ; et d’autre part, ponctuellement, des formes d’existence qui apparaissent comme des trous dans la trame continue de la population. Celles-là sont désignées comme terroristes et vouées à l’anéantissement.

La guerre au terrorisme apparaît aujourd’hui comme l’horizon commun de toutes les démocraties occidentales. C’est pour cela qu’en dénoncer les "glissements" ou les "dérapages" n’est jamais suffisant - c’est une position qui demeure en dessous de la situation. Cet horizon et la realpolitik particulière qui l’accompagne sont généralement non questionnés. Parce que tout le monde semble s’accorder en principe sur le risque qu’il s’agirait d’endiguer - et que cette évidence factice d’un ennemi absolu suffit à "justifier les moyens" au point de les rendre inquestionnables. L’affaire de Tarnac a été l’une des rares occasions où ce type d’intervention a fait l’objet d’un questionnement public. Il faut bien sûr qu’Yldune et Julien soient libérés ; que les chefs d’inculpations soient levés. Il faut bien sûr également qu’Isa, Juan et Damien - qui sont emprisonnés sous le coup des mêmes accusations de "terrorisme" - soient libérés. Mais il importe aussi que ce questionnement sur ce qui n’est jamais questionné ait pleinement lieu, c’est-à-dire durablement, et selon les termes qui lui conviennent. Il ne faut pas que se referme la brèche qui s’est timidement ouverte dans l’évidence de cette "guerre au terrorisme" dont un président américain nous a prévenus qu’elle serait sans fin."

En provenance de Tarnac